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GRAAT On-Line - Book Reviews
James C. Scott, L'Oeil de l'État. Moderniser, uniformiser, détruire (Paris : Éditions La Découverte, 2021). 28,00 euros, 540 pages, ISBN : 978-2-348-05735-9 - Bruno Hueber, Université de Tours.
Nul n'ignore combien l'oeuvre de J. C. Scott, né en 1936 et professeur à l'Université de Yale, déjà fort ample, est une composante remarquable de cette anthropologie anarchiste qui, dans la lignée de Pierre Clastres (1934-1977), David Graeber (1961-2020) ou encore Marshall Sahlins (1930-2021) récemment disparu, à mille lieux de tous les simplismes auxquels des esprits aussi paresseux que dédaigneux voudraient réduire ce courant de pensée, s'efforce seulement de déconstruire une certaine mythologie de l'état ainsi que la philosophie de l'Histoire construite autour de cette figure politico-juridique. Zomia ou l'art de ne pas être gouverné (Paris, Seuil, 2013), Homo domesticus. Une histoire profonde des premiers états (Éditions La Découverte, 2019) sont ainsi des jalons essentiels d'un propos tenace qui vise non pas, certes, à prétendre que l'état serait intrinsèquement obsolète ou dangereux, prédateur ou oppresseur, mais à proposer bien plutôt des outils permettant d'apprécier plus finement son cahier des charges, ainsi que les coûts réels des biens et des services qu'il peut apporter aux populations dont il est devenu, de facto ou de jure l'instance souveraine.
Cela étant dit, ce qui occupe ici plus particulièrement l'auteur, dans L'oeil de l'état, pourrait bien marquer un infléchissement significatif de son oeuvre. Car ne s'agit-il plus seulement au fond ou à proprement parler de l'État, que d'un certain paradigme qui structure l'ensemble des sociétés modernes, quand bien même reste-t-il, certes, effectivement la composante essentielle de la mise en oeuvre de celui-ci.
Le "haut-modernisme [139-163, 326-332], terme que Scott emprunte à David Harvey [141], voilà donc l'objet que se donne ce volume : une "ingénierie sociale holistique" [143], une dynamique historique suffisamment irrésistible pour qu'elle excède et dépasse allègrement les clivages idéologiques ou les postures politiques les plus variées [248-249]. Et à suivre le propos de l'auteur, sa trame et ses développements, parvenons-nous ainsi alors à en distinguer les trois éléments décisifs. Il vaut la peine de les regarder d'un peu plus près.
Le premier est l'aspiration d'un pouvoir à contrôler et ordonner, par une position de surplomb, aussi bien la Nature que la société en son ensemble et les relations entre les individus eux-mêmes. Ce pouvoir, bien évidemment, est celui de l'État, plus ou moins autoritaire, mais toujours capable de violence, comme l'on sait, fût-ce pour assurer ce qu'il croit être le bien d'une population ou le bonheur d'un peuple. Il se peut aussi, cependant, que ce pouvoir, indépendamment de toute finalité ou fonctionnelle assignable, ne veuille que se perpétuer et même s'accroître, par l'amour du pouvoir, par passion du "commandisme" ou des prébendes de position qu'il autorise, soit à ses agents [366-369] soit à une "élite" quelconque. Peut-il même s'imaginer, enfin, qu'il serait d'une efficience et d'une pertinence sans appel, en se leurrant gravement aussi bien sur ses résultats avérés et durables que sur le "prix" ou les conséquences et la valeur exacte de ceux-ci. Pourrait-on penser, ici, aujourd'hui, par exemple, au solde environnemental véritable de la voiture électrique, qui n'est peut-être pas exactement ce que les fabricants et l'état veulent bien nous faire accroire, loin s'en faut, alors même que ce dernier ne cesse cependant et avec obstination d'accompagner, de soutenir de multiples façons, les groupes industriels qui en font la promotion.
Mais pour en rester à l'ouvrage de Scott, il n'est que de se référer aux bilans en matière d'agriculture industrielle [294-302, 396-398] qu'il documente méticuleusement, pour se convaincre que la réussite n'est pas toujours au rendez-vous de ces projets plus ou moins grandioses. Les variétés à hauts rendements (HYVs)[434], la "phyto-ingénierie", initiée par Henry Wallace (1920) qui s'allie avec un fabricant de machines agricoles pour cultiver sa nouvelle variété de maïs à tige rigide [402], sans parler de la "tomate de supermarché" [403] : tous ces prétendus "succès" ou toutes ces expérimentations probantes à première approche, ne doivent pas cacher la réalité des rendements déclinants [32], de l'appauvrissement des sols, de l'exposition accrue aux épidémies ou épizooties [404], le recours nécessaire de plus en plus massif aux pesticides et fongicides, DDT ou pas [324-326, 396, 441], déjà dénoncé en son temps par Rachel Carson (1907-1974), entre autres [409, 422]. Et cela qu'il s'agisse des états-Unis, avec, pour exemples, la fameuse ferme "Thomas Campbell" le modèle fondée en 1918 dans le Montana, qui s'étendait sur pas moins de 39 000 ha [294-302], celui de la Tennesse Valley Authority (T.V.A.) durant les Trente Glorieuses, ou l'agriculture soviétique mise en oeuvre à marche forcée par Lénine [302-313], voire des plans coloniaux en matière de plantation d'arachide [336-343], éventuellement impulsés ou soutenus par des organismes internationaux, tels la la F.A.O. ou l'O.N.U. La "simplification" de l'agriculture, avec ses attendus (mécanisation, monoculture, semences hybrides, transport, emballage, mise en rayon) se paye, in fine, parfois fort cher.
Toujours est-il que ce phénomène historique, un État qui se veut décideur, organisateur, planificateur, fantasmant si souvent sur le modèle de l'entreprise, ou sur le modèle de l'armée pour ce qui est de la discipline et de la mobilisation de l'ensemble d'une société, est bien un produit d'une histoire riche de crises économiques ou militaires [155-163], et qui a vu le coeur de la légitimité de la décision se déplacer, soit de la base (les soviets, les territoires), soit du Parlement, mais toujours, inexorablement pourrait-on parfois dire, vers l'exécutif, le Parti ou le gouvernement. Voici l'état, démocratique ou pas, qui se pense donc si souvent, dès lors qu'il en a les moyens administratifs financiers et technologiques, comme un manager ultime, quitte, en matière d'efficience à ressembler bien plutôt à un général d'état-major qui finirait par confondre ses cartes avec la
réalité du champ de bataille [140].
Voici donc, encore, un Lénine (1870-1924) dont Scott fait [224-271] avant le "cas" Staline, ce dernier sachant si bien "jouer" férocement le kolkhoze contre le mir [302-326], non pas seulement un acteur ou décideur inspiré par La Cité du Soleil de Tommaso Campanella (1568-1639), mais tout aussi bien un "haut-moderniste convaincu" [225], surtout pour ce qui est de l'idéologie qui s'exprime dans son ouvrage Que faire ? : un titre au demeurant sans aucun doute emprunté à celui du roman prémonitoire de Nikolaï Tchernychevski (1828-1889). Un Lénine fasciné par la science, mais aussi par le management taylorien, par les possibilités offertes par l'électricité (le réseau, la disponibilité, la simplicité, le silence qu'elle suppose et permet), plus même que par les tracteurs [252-254], rêvant d'une élite de professionnels qui saurait, avec toute l'autorité impitoyable requise, conduire la révolution et les "masses", paysannes ou non, vers le meilleur des mondes [245-246]. Un Lénine qui n'hésite pas, qui plus est, à mobilier un vocabulaire biologique, évoquant la contamination ou l'infection de sa juste cause par les bacilles "petits-bourgeois" [235-236]. Modèle entrepreneurial, rêverie d'une population aussi disciplinée qu'une armée en campagne [60-62], métaphores organicistes, règne de la verticalité contre les solidarités et les compétences locales, nous avons bien là, in vivo, les éléments de langage ou les prurits de la pensée politique moderne, avec toutes ces dérives possiblement terriblement inquiétantes, quand on prend la mesure des moyens qui peuvent être déployés pour satisfaire à ceux-ci.
Et notre auteur se souligner alors combien les critiques, par Rosa Luxembourg 1871-1919)[256-265] ou Alexandra Kollontaï (1872-1952) de ce "planisme" fanatique, appliqué au domaine révolutionnaire, militantes, farouches disons, pour aller vite, de la spontanéité, de l'intelligence et du respect de la base, d'une révolution vivante, dénonçant l'état prenant l'aspect d'un instituteur autoritaire, d'un pédagogisme contre-productif et stérilisant, faisant montre d'un paternalisme douteux, combien donc ces critiques n'en pourront mais [265-271].
Le deuxième élément du haut-modernisme n'est autre qu'une forme de savoir ; ce que l'on nomme "rationalité". Une rationalité qui, en elle-même, a bien du mal aussi à voir les limites exactes de son domaine de compétence, dans le temps même où a-t-elle tendance, mais c'est de bonne guerre, dira-t-on, à dévaloriser les autres formes de savoir, plus intuitives, mais assimilées à l'immobilisme, à l'obscurantisme ou à un empirisme tâtonnant, quand bien même se montrent-elles plus capables de répondre aux exigences de situations complexes ou de productions diversifiées [414-425]. Cette rationalité dite scientifique, en sa capacité de droit à compter, à organiser, à uniformiser, à assurer ainsi la comparaison, la marchandisation, la standardisation, la "vision", pour ne pas dire la transparence de toutes choses, est l'instrument parfaitement adéquat, comme de juste, du projet de contrôle de l'État, au point d'ailleurs de faire l'objet, d'un enthousiasme quasi-religieux de ses desservants [381-382]. Alain Supiot, en France, parmi beaucoup d'autres, a suffisamment instruit la nature, les attendus et les usages d'une culture forcenée des chiffres et de l'évaluation dans la décision publique [87-89], pour que le lecteur ou tout simplement le citoyen ne s'en étonne plus guère. Toujours est-il que force est de constater que la passion excessive de la raison et pour la raison, son hybris, redouble ainsi l'hybris de l'état ou pour l'état.
Mais qu'en est-il donc de ces autres savoirs, de ces autres compétences auxquels la rationalité fait donc face et qu'elle prétend minorer ? Eh bien, pour l'auteur, s'inspirant pour ce faire des célèbres travaux de Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant [10] ou de ceux de Stephen Alan Marglin [433], ne s'agit-il ni plus ni moins alors, comme s'y attache un dernier chapitre [465-514] d'avant la conclusion, de les regrouper sous l'appellation de métis.
Métis, voici le terme que l'on traduit sans doute trop rapidement du grec par "ruse" et de façon parfois réductrice et dépréciative, quand bien même pense-t-on alors à Ulysse, celui "qui ourdit des ruses habiles" selon Homère, et qui sut si bien tromper effectivement, après les Troyens, Circé, les sirènes ou les cyclopes [471]. En fait, ce savoir, pour Scott, doit d'abord être pensé, aujourd'hui, comme un savoir de la résistance : l'intelligence des situations complexes, tout autant que comme un savoir "traditionnel", trop vite et abusivement habillé des oripeaux dépréciateurs que l'on peut accoler à ce qualificatif dans les ministères de la modernité technocratique. Oui, ce chapitre qui nous semble décisif, n'est autre que l'exposition d'une véritable guerre des savoirs, aux protagonistes parfois plus ou moins conscients de ses enjeux [468, 503-512]. Une guerre impitoyable et sournoise d'une épistémé menée à l'encontre d'autres stratégies ou dispositions cognitives, et qui se montrent effectivement et fâcheusement des plus rétives à un double réquisit : celui de la verticalité de l'abstraction, de la simplification, si chère au manager ou haut-fonctionnaire, d'une part, et celui de la recherche court-termiste du maximum de rentabilité, si chère à l'actionnaire d'autre part. Des savoirs multiples, locaux, traditionnels, peu codifiables, très peu transmissibles, mais alternatifs, réactifs et évolutifs, dès lors qu'il s'agit de s'inscrire dans une réalité aussi complexe que mouvante et fragile : voilà la fiche signalétique de cette pensée alternative que Scott nous demande de considérer avec attention et respect. Et sans vouloir, au demeurant, en méconnaître les limites [431], ou encore moins céder aux sirènes du "spontanéisme" néo-libéral de Hayek, qui nous laisserait entendre que le "marché" serait ce vers quoi devrait nous conduire "naturellement" une telle intelligence collective, solidaire, progressive et expérimentatrice [385, 518, 528].
Pour en rester donc à cette métis, s'agit-il par exemple de l'intelligence du naute sachant donner le bon coup de barre au bon moment, tel celui dont pouvait parfois parler Marc Twain (La Vie sur le Mississipi), tels les marins Bugis (Indonésie) évoqués donc par l'auteur sachant "lire" un arc-en-ciel, ou interprété le cri du râle strié [498-499]. Tel celui du pilote d'une capitainerie qui prend le relais du commandant de paquebot ou du cargo, lorsqu'il s'agit d'amener celui-ci à quai [476-478]. Un savoir qui suppose le faire, l'agir, et bien sûr l'apprentissage de l'erreur, le risque et l'incertitude, et non pas la sécurité froide et distanciée du calcul délimitant dans la réalité concrète un "périmètre artificiel" [483-486]. Ne s'agit-il donc aucunement, de désigner, par le métis, un traditionalisme qui célébrerait la tradition pour elle-même, ainsi que lui apparaît l'oeuvre de Michael Oakeshott (1901-1990), mais d'un savoir soucieux de se perfectionner, quitte à renoncer à la saisie des raisons dernières [476, 501, 514]. Et de rappeler que dès le XVIe siècle, la variolisation était-elle par exemple largement répandue, bien avant la vaccination de Sir William Jenner en 1798 : le savoir précis de l'efficace précédant le savoir du pourquoi exact [489-493]. Et les Indiens d'Amérique du Sud, autre exemple, n'ont pas attendu la science moderne pour prendre la mesure de la valeur du quinquina. Quant à certains médecins, ont-ils pu devoir leur célébrité à leur "don" pour repérer, "renifler" la "syphilis", l'anémie infantile, ou la diphtérie, bien avant, en fait, de pouvoir en donner ou constater les symptômes objectifs et d'en établir le diagnostic précis [496-497]. Pensons encore au savoir du paysan, capable d'harmoniser une grande variété de productions sur un même cultivar, qui ressemble si aisément, à première vue, à un fouillis, mais qui sait si bien éviter aussi les catastrophes de la monoculture. Rappelons-nous enfin Squanto, l'Amérindien, qui enseigna aux premiers pèlerins du Nouveau Monde à planter leur maïs, quand "les feuilles de chêne atteignent la taille d'une oreille d'écureuil" [407, 468-469]. Mais il est vrai que ce n'est certes pas là un savoir qui prétend à l'universel, et ce qui est valable pour le Vermont ne l'est pas nécessairement pour le Connecticut.
De façon plus dialectique, par le terme de métis, Scott veut-il ainsi faire référence à toutes ces pratiques informelles instruites qui permettent si souvent à un savoir trop formalisé, justement, à une production trop planifiée, enkystée par un excès de réglementation, de fonctionner réellement ; c'est bien là un paradoxe qu'il n'a de cesse de vouloir souligner [384-385, 465-467]. Précisons encore que si la métis n'est certes pas l'épistémé, elle n'est pas non plus la techné, ce savoir pratique formalisable, ou cet ensemble de procédés intellectuels, corporels, matériels (outils ou machines) susceptibles de transmission, d'évaluation et d'amélioration, et permettant de transformer, soit un environnement, soit les hommes, corps et esprit, soit même les relations entre les hommes. Pour s'en convaincre, et concernant plus précisément ce dernier point, suffit-il au demeurant de penser aux sommes stupéfiantes que consentent les entreprises, et bien sûr l'État lui-même, pour enseigner et faire enseigner la "communication" après la propagande, le "commercial" ou le relationnel, comme de juste. Or, la métis désignerait là, précisément, ce que les "maîtres d'éloquence" ne sauraient enseigner. Bien au-delà de leur rhétorique qui n'est trop souvent qu'une novlangue aussi prétentieuse qu'arrogante, une pâle somme d'éléments de langage, drôle ou lassante, c'est selon, la métis, désignerait un "à-propos" authentique, et qui pourrait bien s'apparenter parfois, dans un certain contexte, ce faisant, à la parrhésia des grecs, cette parole franche et courageuse de l'homme libre devant l'Assemblée de ses concitoyens [479-480, 536].
Le troisième élément, venant peut-être parasiter cette rationalité et cette autorité, ou se greffant sur celles-ci, au risque de les détourner de leur lucidité potentielle ou de leur bonne volonté principielle, n'est autre qu'une passion : à savoir, celle du profit, le plus rapide et le plus important possible. Cette avidité, ce matérialisme, cette pléonexie, qui cherche sa satisfaction par l'exercice de la rationalité, dans le cadre d'une structure de droit et d'autorité, le marché, qui en garantit l'obtention "pacifique", nous l'aurons reconnue, ne se nomme pas autrement que le capitalisme. Et quand bien même, par-delà ceux du pouvoir et du profit, ainsi que le note Scott, l'enjeu esthétique, la séduction d'une certaine visibilité "d'en haut", n'est-il jamais à négliger ou totalement absent [338-339, 380-381, 435]. C'est qu'aussi abstraite qu'elle se veuille, la "raison", ce que l'on appelle ainsi, en son désir d'ordre et de clarté, n'est-elle, de fait, jamais totalement dissociable d'une certaine transcription visible et sensible, censée la révéler et l'incarner, mais en en soulignant aussi peut-être inexorablement la forme, toujours au fond particulière et déterminée. Et certains n'hésiteraient peut-être pas alors à penser, ici, que différentes rationalités sont sans doute possibles, ainsi donc que différentes façons d'entendre l'ordre ou la clarté. Toujours est-il que l'esthétique classique, ce n'est pas l'esthétique baroque, nul n'en disconvient, et les rêves ou les projets de certains architectes, urbanistes ou décideurs, et d'autres encore, peuvent en témoigner [37, 94-95, 102].
Triple hybris donc, celle de l'autorité, celle de la rationalité, celle de la rentabilité financière à court ou moyen terme, et qui en se rencontrant, enclenche les évidences de la foi haut-moderniste. Cette foi, inspirée du managérialisme, si l'on nous passe ce néologisme, d'un Henri Fayol (1841-1925), d'un Frederick Taylor (1856-1915), d'un Lyndall Urwick (1891-1983), que l'on retrouve aussi à l'oeuvre chez Liberty Hyde Bailey (1858-1954)[433-434], et qui semble si bien réussir aux entreprises privées, se trouve ainsi transposée, en toute innocence, inconscience ou mauvaise foi, d'objectifs limités et quantifiables, de fonctions déterminées, d'intérêts à court terme, à des projets qualitativement, humainement, tout autres. à charge alors, bien sûr, de prendre la mesure exacte, d'une part, de cette transformation que fait subir à la réalité le pouvoir et le savoir qui veulent, en le rendant lisible en extraire profit et contrôle, mais tout aussi bien, d'autre part, des ruses, des réactions et des résistances du réel, de la nature ou d'une société plus ou moins tétanisée, en passe d'être uniformisée, standardisée, bref appauvrie, pour obvier à cette rationalisation dominatrice [19-24, 133]. Pensons tout uniment à l'impôt sur les portes et fenêtres introduit en France sous le Directoire et qui modifia bien évidemment, par contrecoup, et plus ou moins involontairement, l'architecture et les huisseries des habitations [82-85]. En revanche, pour ce qui est de l'exemple de l'Irlande, que pointe Scott, ne s'agissait-il plus là seulement, bien évidemment, certes, pour le pouvoir étranger, en se rendant "lisible" ce pays, "d'imposer", mais ni plus ni moins, que de l'exploiter et de le ravager en bonne et due forme [86]. Et à suivre la gradation possible des exemples en la matière, ne pourrait-on alors, par-delà l'auteur, penser à la "rationalité" de l'organisation des camps de la mort. Avec cette différence, qu'il ne s'agissait même plus, dans ce cas, au premier chef ou dans son impulsion, de viser un profit quelconque. L'hybris de l'idéologie, sans être nécessairement étrangère au haut-modernisme, est parfois plus forte que celle des indicateurs boursiers [143].
Toujours est-il que voilà donc, ramassés, les ingrédients de notre modernité, telle qu'une coupe transversale de l'ouvrage de Scott nous permet de le définir. Ce qui ne doit pas nous empêcher de recenser, en complément, quelques passages particulièrement éclairants et suggestifs.
Un premier repère concerne l'approche de la réalité sylvestre prise en charge par des ingénieurs agronomes, dans le but de la rendre plus rentable, plus exploitable [27-89], et s'offre alors au lecteur comme un parfait idéal-type de ce qu'il en est des conditions de possibilité d'un tel projet, de ses implications et de ses conséquences.
C'est que la sylviculture ou foresterie scientifique étatique a son histoire et ses enjeux, disons pour la France, dès Colbert (1619-1683) ou Etienne-François Dralet (1760-1844) et son Traité du régime forestier [32]. Normer les forêts, compter et sélectionner les essences, uniformiser les plantations, pour les rendre visibles, exploitables et rentables, en termes de milliers de stères de bois et de rentrées fiscales : voilà donc une forêt devenue "ressource économique" comme les salariés d'aujourd'hui sont devenus des "ressources humaines". Pour ce faire, il faut épurer le produit, en quelque sorte, éradiquer les "nuisibles", les "mauvaises herbes" et les sous-bois, supprimer tout aussi bien les usages et les jouissances multiples dont elle est le lieu, le complexe d'interactions qu'elle permet (braconnage, pacage, pêche, retraite religieuse, fabrication de charbon de bois), sans même parler bien sûr du nécessaire désenchantement que cela ne peut pas ne pas entraîner. La forêt de Chrétien de Troyes ou des contes de notre enfance n'est plus qu'un domaine d'exploitation, et on notera que L'Encyclopédie de Diderot, au siècle des Lumières, par ses attendus, atteste suffisamment de la mise en place de ce nouveau rapport de la Nature, très peu rousseauiste, certes, mais qui s'inscrit bien dans le paradigme utilitariste qui commence à aller de soi, et à s'étendre à tout. Savoir compter, dénombrer les arbres (comme ce fut le fait d'un Johann G. Beckmann (1739-1811)), standardiser les plantations ("Normalbaum"), imposer une monoculture ou mono-plantation (ainsi pense-t-on à l'épicéa de Norvège, ou ailleurs au cèdre du Japon), instituer en quelque sorte une forêt ordonnée, voilà la volonté et le savoir à l'oeuvre d'un Gifford Pichot ou d'un Dietrich Brandes qui surent si bien, en leur temps, exporter leurs compétences, aux États-Unis, comme en Inde ou en Birmanie. Cela étant, l'histoire, et Scott ne se prive certes pas de nous le rappeler, nous enseigne aussi que ces projets de forêt scientifique se soldèrent par un sévère échec, aussi bien biologique ("Waldsterben") que commercial, sans même reparler des usages et pratiques humaines multiples qui disparurent tout autant. à négliger ici le complexe que représente l'entretien d'un humus adéquat, à vouloir, là, supprimer les bois morts, les sous-bois, en compromettant la survie des populations d'insectes, de mammifères, d'oiseaux profitant de ceux-ci, et nécessaires à leur tour à la formation des sols, ne se souciant que trop peu de l'érosion de ceux-ci, la monoculture "au cordeau" a tourné au fiasco. Nous ne pouvons pas ici entrer dans les détails.
Mais cette quête étatique de lisibilité prescriptive et ordonnatrice, qui s'applique à une forêt s'applique aussi, peut-on aisément s'en douter, et c'est là un deuxième jalon, à une population, et à l'aide, pour ce faire, de multiples procédés, dont Scott semble, avec gourmandise, inventorier le détail.
Il s'agit donc de la dénombrer, de la recenser afin d'envisager une politique fiscale efficace, afin d'être à même de lever une armée, ou tout simplement de policer un territoire. Et pour ce faire, faut-il commencer par la fixer, la sédentariser, par octroyer à ses membres un patronyme distinctif, et plus ou mois brutalement, selon qu'il s'agisse de citoyens ou de colonisés. Prendra-t-on alors connaissance avec le plus grand intérêt de ce qu'il en fut des Philippines au XIXe siècle, sous la férule du gouverneur et général Narciso Claveria y Zaldua [105-118, 280-283].
L'uniformisation des poids et mesures sur un territoire va ainsi, dans la même logique de recherche d'un maximum de lisibilité et de contrôle, remplacer le grouillement des unités locales, pratiques, contextuelles (aune, pinte, charretée, "cuisson de riz", "poignée", boisseau, etc.). Sachant que ce n'est pas seulement l'État et ses fonctionnaires qui trouvent leur compte dans la promotion et l'imposition de ces nouvelles mesures abstraites, mais aussi bien et tout autant, peut-on le noter, le commerçant se rendant d'une région à une autre. Uniformiser, standardiser pour mieux contrôler ou marchandiser, les deux processus se recoupent et se chevauchent bien souvent. Logique politique et logique économique marchent main dans la main, en requérant la même simplification, le même processus d'abstraction, bref la même rationalité ordonnatrice.
Pour ce qui est du cadastre, déjà évoqué plus haut, composante fondamentale de la panoplie des outils de contrôle de l'état, ajoutons que celui-ci a-t-il pour mission, avant même d'identifier clairement le propriétaire imposable, d'en finir avec la complexité parfois saisissante des usages et des droits qui avaient et ont parfois encore cours. Si on simplifia les forêts, en l'espèce, simplifia-t-on aussi le droit foncier [66-67, 453], en faisant fi de tous les liens sociaux, de toutes les stratégies d'usages ou de mises en commun, savamment différenciées selon les circonstances et les saisons, et qui échappaient à ce modèle idéalement contractualisée. Bien davantage, si pour le droit étatique, la loi, la propriété privée et le contrat sont-ils des vecteurs essentiels de visibilité d'une population, ces formes juridiques finissent-elles par s'imposer aussi peu à peu aux pratiques et aussi bien à la perception morale des relations humaines. Et ce qui était vrai hier l'est tout autant aujourd'hui : au point que l'on pourrait avoir le sentiment, à prendre le pouls de notre modernité, que toute relation humaine qui ne s'inscrit pas dans le cadre d'une relation dont les termes exacts seraient définis par avance et précisément, selon un accord contractuel explicite des deux parties, jugées libres, égales, éclairées et consentantes, ne peut être que le synonyme d'une violence potentielle.
Mais il n'en reste pas moins que le plus important, en amont et en aval de ce programme de lisibilité et de contrôle, est bien l'uniformisation des façons de parler. Une seule et même langue sur tout le territoire, telle est une condition sine qua non de l'efficience et de l'autorité administrative [118-119].
Contrôle de la population, contrôle et exploitation de la nature, c'est-à-dire mise en oeuvre d'un programme de développement agricole moderne, peuvent bien sûr aller de pair, celui-ci supposant celui-là, faisant trop souvent fi, là encore, d'un rapport souvent très riche à des traditions et à un environnement donnés.
L'exemple de la villagisation forcée en Tanzanie, entre 1973 et 1976, avec l'"inefficacité absolument abyssale" de ses fermes modèles, est bien à ce titre encore une illustration parfaite de ces prétentions étatiques qui tournent court, non sans de très graves dégâts pour les populations concernées et impliquées malgré elles [333-393].
Et triple échec en fait, politique, économique et écologique, de ces nouveaux villages ujamaa. Pour la puissance étatique, tout d'abord, qui pensait pouvoir tirer des revenus supplémentaires de la rationalisation de la production agricole, en développant à marche forcée des monocultures. Qui plus est, on aura remarqué que, lorsqu'il sait de rentrer de devises, de l'incitation à la coercition, la distance n'est jamais très grande, quand bien même dans un premier temps, le chef d'État Tanzanien, Julius Nyerere, et la Tanu (Union nationale africaine du Tanganyika), son parti politique, voulaient-ils miser sur l'adhésion des populations concernées. Or celles-ci ne tardèrent-elles pas à se montrer déçues, pour ne pas dire davantage, ayant cru trop souvent, mais en vain, pouvoir accéder, au prix de l'abandon de leur habitat familier, incluant des savoirs locaux et des formes de sociabilité qui leur permettaient de surmonter des périodes difficiles, à un certain nombre de services (santé, éducation, eau potable) qui ne furent pas toujours, loin de là, au rendez-vous. Des populations qui se retrouvèrent alors livrées, pieds et poing liés, à une obsession de la planification et de l'évaluation qui allait faire les beaux jours d'une bureaucratie ne sachant que trop bien s'adapter à la volonté politique de résultats édifiants ou prometteurs, ou du moins aux statistiques devant censément les représenter, et déployant pour ce faire un autoritarisme dédaigneux et violent que l'état fut amené, volens nolens, à lui concéder. échec humain et social, donc. échec environnemental enfin, au regard de ce que coûte un type d'agriculture qui fait fi de la biodiversité et de la spécificité et potentialités des territoires.
Mais s'il s'agit de contrôler une population, et c'est là un autre chapitre, s'agit-il aussi de pouvoir ordonner la ville [90-135]. Et il est bien vrai qu'une ville ancienne, (l'auteur aime à évoquer Bruges ou la Casbah d'Alger) est parfois aussi confuse ou touffue qu'un sous-bois de forêt ensauvagée. Là encore, cet aspect de la gestion étatique donne lieu à des développements que le lecteur découvrira avec le plus grand intérêt.
En France, le Paris du Baron d'Haussmann, projet qui court de 1853 à 1869, voit effectivement s'associer des ambitions politiques, sanitaires, militaires et commerciaux. Il faut en finir avec les cimetières et les insurrections : faut-il aussi construire de nouveaux égouts. Le projet a donc sa légitimité, en termes de services publics : il a aussi sa signification en termes de rentabilité ou spéculation financière et d'efficience policière. Ce qui n'est pas sans conséquence, on s'en doute, quant au dossier toujours délicat de la ségrégation sociale, hier comme aujourd'hui.
L'oeuvre de Le Corbusier (1887-1965) marque aussi une étape importante dans l'expression de cette ambition plus ou moins fantasmée de la domination rationnelle de la cité [163-185]. Architecte de Chandigarh (capitale du Pendjab en Inde), de la Cité radieuse à Marseille, de la Chapelle de Notre-Dame du Haut, en Haute-Saône, mais surtout auteurs de très nombreux projets d'aménagements urbains (de Paris à Alger, en passant par Rio de Janeiro ou Stockholm) et dont la Charte d'Athènes (CIAM), en 1933, reflète fidèlement ses idées planificatrices, rationalistes, fonctionnalistes, Le Corbusier n'aura eu de cesse d'imposer un certain paradigme "visuel", capable d'énoncer avec tout le sérieux désirable que la "raison est […] une droite impeccable"[170], ou de prétendre que le chemin courbe est le "chemin" des ânes" [180]. Celui qui ne laissait pas de paraître déifier le plan, qui réclamait un nouveau "Colbert", qui se voulait le desservant de l'Autorité, qui voulait en finir avec les "taudis", une insulte à l'esthétique, à l'hygiène, à l'ordre, bref au progrès, n'est pas sans témoigner là, peut-être, d'un prurit quelque peu fasciste ou à tout le moins d'une hybris qui se moque bien des attentes légitimes de la rue, de la foule, ainsi que de la réalité pleine de vie et de dignité des "quartiers" [178-179].
Comment ne pas évoquer alors, en suite, ainsi que le fait longuement l'auteur, le projet de Brasilia, développé et mis en oeuvre par Oscar Niemeyer (1907-2012), "accompagné" par Juscelino Kubitschek, le président du pays du 1956 à 1961, et Lucio Costa qui remporta le concours initial organisé par O. Niemeyer lui-même [185-203]. Un projet qui se voulait émancipateur, promoteur d'un nouveau Brésil et de nouveaux Brésiliens : une ville du futur construite sur une table rase, à 1000 km de Rio de Janeiro, et qui garantissait vingt-cinq mètres carrés d'espace vert par habitant. Mais en prétendant en finir, comme de juste, et une fois de plus, avec le "barrio", le quartier trop confus et "populeux", au profit bien involontaire, est-il vrai, de la "brasilite", ce malaise profond de l'habitant d'une ville déshumanisée [195].
Rendu à ce moment de son ouvrage, Scott s'octroie alors un long aparté [203-223] sur l'ouvrage de Jane Jacobs (1916-2006), Déclin et survie des grandes villes américaines, paru en 1961. Réhabiliter le "quartier" comme les écologistes peuvent réhabiliter les sous-bois, comprendre que la réalité de la vie urbaine est autre chose qu'un damier idéal de fonctions, se rendre compte qu'une ville est le résultat de nombreuses interactions spontanées, d'une grande diversité de fonctions primaires, d'enchevêtrements de moyens et de fins (aller chercher un enfant à l'école, mais aussi acheter un litre de lait, et aussi vérifier la floraison d'un cerisier dans un petit square, et aussi croiser des connaissances etc.), d'usages mixtes, de contrôles naturels et inter-générationnels, c'est bien là le combat de cette auteure remarquable. Et dont l'oeuvre n'a certes rien perdue de son actualité, loin s'en faut ; tant ce qui est en cause, toujours, c'est bien la dangerosité de ce fonctionnalisme et de ses simplismes appliqués à tout, et qui au nom d'une prétendue transparence ou efficience, finit par dévitaliser ou scléroser tout ce qu'il touche. Quand il ne s'agit pas, en matière d'urbanisme, de jongler avec le prix du foncier et de ségréguer toujours davantage certaines populations. Ordonner, uniformiser, fonctionnaliser : oui, l'oeil de l'état, peut véritablement détruire parfois la réalité sociétale, locale et historique qu'il prétend moderniser.
Si James Scott doit s'inscrire indubitablement dans le courant de pensée que nous évoquions en introduction, il nous apparaît, avec L'oeil de l'état, que l'on pourrait tout aussi bien désormais l'apparenter à tous ceux, et ils sont trop nombreux pour être nommés avec justice ici, qui documentent et dissèquent, chacun à leur façon, le paradigme d'une modernité dont l'ADN n'est autre qu'une certaine épistémé gouvernementale autoritaire et fort intéressée, "managérialisée", et cela, soit pour en retracer la généalogie, soit pour en décrire la dynamique et l'extension (pensons seulement, pour rester ici en France, aux écrits d'A. Supiot déjà nommé, Pierre Musso, Nicolas Roussellier ou Barbara Stiegler). Et sa critique de l'épistémé industrielle et gouvernementale en matière d'agriculture, les simplismes et les angles morts de celle-ci, "écrasant" littéralement les pratiques et les savoirs "traditionnels" mériterait de devenir un chapitre d'anthologie [435-461].
Cela étant, et de façon plus générale, faut-il le souligner, ce qui le préoccupe, par delà la question de l'état, en général, c'est donc bien aussi ce qui mine ni plus ni moins nos démocraties. Car, c'est bien ce "haut-modernisme" qui dissout, par l'intermédiaire d'une même idée de la rationalité efficiente, la pensée de la politique dans celle de l'entreprise, quand ce n'est pas celle de l'armée, avec les éléments de langage que l'on ne connaît que trop, en période de pandémie. Et peu à peu, inexorablement, se décompose ou dégénère ainsi en effet, comme de juste, la légitimité du collectif, les droits du local ou du "territorial", la pertinence des savoirs non rigoureusement codifiables, lors donc que les élites, démocratiques ou non, sont convaincues que l'essentiel est de tenir sous leur regard et leur contrôle, un monde, un environnement, des sociétés et des hommes, qui se devraient de ressembler de plus en plus à l'image qu'ils aiment à s'en donner [142-150]. Que ces projets, ces plans, ces politiques, qu'ils décrètent se soldent par des fiascos, des dommages collatéraux parfois dantesques pour quelques minces résultats positifs portées aux nues par la magie de la communication, ne devraient pas faire illusion.
Ce n'est pas que l'examen du haut-modernisme gouvernemental, que nous propose Scott dans cet ouvrage, de son mode d'action, de propagation et d'imposition, puisse se prétendre exhaustif. Loin s'en faut. Eut-il fallu pour cela que l'on s'intéressât bien évidemment au système éducatif de l'État, au paradigme que celui-ci met en place, jusque dans les établissements supérieurs les plus prestigieux, et si souvent misérablement copiée sur celui qui règne dans les écoles de commerce, elles, qui prétendent, non sans cynisme, donner le ton de la modernité efficiente, responsable et inclusive. Nous voulons croire que ce n'est sans doute que partie remise.
Scott est bien un auteur d'aujourd'hui et pour aujourd'hui. Et cela aussi débonnaire que soit, au demeurant, parfois son style, ou besogneuses ses incursions prudentes dans des domaines qu'il aborde en néophyte, en l'avouant avec une franchise qui appelle d'ailleurs tout le respect possible. C'est qu'à tout prendre, l'honnêteté intellectuelle n'est peut-peut-être pas une vertu si répandue dans certains milieux pour que l'on puisse la dédaigner lorsque l'on en a sous les yeux un exemple aussi probant que stimulant, ne serait-ce que par l'érudition joyeuse et enthousiaste qui l'accompagne.
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